samedi 16 novembre 2013

Carras (Quai du) - Carras (Rue du)

Après le quai Tourcaudière, en voici le prolongement : le quai du Carras, et, donnant sur ce quai, la rue du Carras.

Si Carras peut avoir pour origine "char à foin" en occitan, ce n'est sans doute pas de cela qu'il s'agit ici.
(Carras est un nom de famille du midi qui signifie grand char, surnom de charretier. Source : Genealogie.com)

L'explication, la voila :
"Le port de Bertrac était une simple barque servant de puisoir. En 1671, il était en mauvais état, les consuls le font remplacer par un carras pour 90 livres. Le puisoir prend alors le nom de Carras, c'était une construction carrée (en amont du pont Vieux)."
(Document d'évaluation, Cerac, 1993, citant Estadieu 1893 et Grillou 1957)

Ce Carras est visible sur les cartes postales du début du siècle.

En 1930, les fortes inondations l'endommagent sérieusement, comme on peut le voir sur cette carte postale :

La rue du Carras, petite rue donnant sur le quai, possédait une maison médiévale que l'on voit sur cette carte postale.
"La date de construction n'est pas connue mais elle pourrait remonter au XIIe siècle. Elle a subi plusieurs modifications, au XIXe siècle il n'existe plus qu'une façade réduite à une sorte de plein cintre et une fenêtre ogivale. Des chapiteaux à décor végétal sont déplacés et remployés en 1834 dans la décoration du château d'eau de Gourjade. En 1935, après les inondations qui avaient abîmé les maisons de la rue du Carras, un réalignement des façades fait disparaître celle de cette maison médiévale, unique exemplaire subsistant à Castres. Les pierres de la porte et de la fenêtre sont conservées dans les réserves du musée Goya" (Document d'évaluation, Cerac, 1993).








L'aspect actuel du quai du Carras n'a donc rien conservé de son patrimoine historique. Il s'est structuré autour de bâtiments des années 30/40, dont une ancienne banque, anciennement siège du Journal d'Ici, et des parkings sur berge déjà évoqués.
photo : Jean-Marie Pettès
photo : http://les-rues-de-castres.blogspot.fr/


 Un peu changé depuis le Carras tel qu'on peut le voir sur le plan Le Picard de 1674 !
Source : http://cerac-archeopole.fr/liens.html

BONUS
A noter à Nice le quartier de Carras, avec la plage de Carras, l'avenue de Carras...

jeudi 14 novembre 2013

Tourcaudière (Quai)

Le quai Tourcaudière est situé sur les berges de l'Agout, entre la Place Jean Jaurès, et la rue des Capucins et le Pont Vieux, avant le quai du Carras.
Toucaudière vient de Tour Caudière, du nom d'une tour qui s'élevait à cet endroit, reste d'un château médiéval. Elle servit à l'administration de la justice, à la garde des prisonniers, à la conservation des archives. 


extrait du plan levé en 1674 par Samuel Picard
28 : la Tour Caudière
Lors de la "croisade contre les albigeois", la ville de Castres se soumettra à Simon de Montfort en 1209, puis aux envoyés du roi Louis VIII en 1226. "La seigneurie de Castres, créée trois ans plus tard, est inféodée à Philippe de Montfort. Elle siège à la Tour Caudière où le sénéchal, deux juges dont un d'appel et le trésorier font sentir l'autorité du seigneur" (Castres ambitieuse et discrète, A. Lévy, Privat, 2007)
En 1229, la Tour Caudière devient donc le siège de la sénéchaussée. Le seigneur était représenté par un sénéchal secondé par un juge ordinaire et un juge d'appeaux (d'appels).

Mais les seigneurs de Castres, descendants de Simon de Montfort, sont souvent loin de Castres, pour la Croisade notamment.

Vers 1320, Bouchard 1er de Vendôme, fils de d'Eleonore de Montfort et de Jean V, comte de Vendôme, "habitait le château de la Tourcaudière, qui dans la suite fut la résidence ordinaire des comtes de Castres" (B.-A. Marturé, Histoire du Pays Castrais, 1822)

Pour Pierre Borel, dans ses Antiquités (1649) :
« Ladite Tour Caudière est dite d'un nommé Caudière, duquel le bien fut confisqué, ou, selon quelques-uns, comme qui diroit Tour Gotière, c'est-à-dire des Goths ; c'estoit la demeure de quelques Comtes de Castres. »

Cette étymologie ne convainc pas vraiment...
Citant Borel, Paul Andraud dans La Vie Et L'oeuvre Du Troubadour Raimon de Miraval, souligne qu'

"il nous paraît difficile de prendre au sérieux l'une quelconque des ces deux étymologies".

Pour Magloire Raynal, dans sa Biographie castraise (1837, Tome IV, page 102-103):
"Cette Tour-Caudière, ainsi nommée d'un certain Caudière à qui elle appartenait primitivement, et dont les biens furent confisqués, fit dès lors partie du palais des Comtes de Castres. Plus tard, c'était le séjour de la célèbre Esmengarde, connue sous le nom de la Belle Castraise ; enfin, elle devient la résidence des juges d'apeaux et des Officiers du Domaine du Roi. Elle renfermait des archives qui contenaient des titres précieux. Une partie de ces documens historiques devient la proie des flammes, à l'époque des guerres que la ville de Castres eut à soutenir. (...) Nous ajouterons, qu'avant d'entrer en fonctions, les Consuls de Castres, nouvellement élus, se rendaient avec leur cortège dans cette résidence, pour y prêter le serment exigé par la loi."



M. Estadieu, dans ses Notes pour servir à l'histoire de la Ville de Castres (1882, page 90), a une explication légèrement différente : "en 1209, Simon de Montfort fit bâtir un palais fortifié, sur la rive droite de l'Agoût, à côté d'un terrain confisqué plus tard, disent les chroniqueurs, à un nommé Caudière, d'où la dénomination de Turris Caudiere, consignée dans de vieux actes. La Porte du Palais existe encore, en assez bon état de conservation, près de l'escalier du Carras".

Dans Deux compagnons d'infortune, Jérémie DUPUY, de Caraman - Jean MASCARENC, de Castres, on trouve la précision suivante : "Au XVIIIe siècle, les prisons de Castres furent transférées à la Conciergerie, rue Sabaterie. Dès lors, la Tour Caudière ne contint que les archives de la ville ; en 1806, elle fut vendue au sieur Dons, serrurier, qui dut la démolir peu après, car on ne voit plus qu'un terrain vague, appartenant toujours à Dons, sur le plan de Castres, dressé en 1812 par l'architecte Lebrun, M. de Lastours étant maire. On en voit encore, sur le quai Tourcaudière, aux eaux basses, les fondations se détachant sur le sol de la rivière."

On y trouvait au début du XXe siècle un lavoir, que l'on voit sur cette carte postale, sous le quai.
Carte postale ancienne
Plus de photos de ce lavoir sur ce site entièrement consacré aux lavoirs de France :
http://www.lavoirs.org/affiche_lavoirs.php?code=81

Le quai Tourcaudière fut inondé lors des terribles inondations de 1930.
"L'inondation touche de vastes quartiers en rive gauche (Bonafé, Aillot, Bisséous, Théron-Périé, la Bouriate, rues Milhau-Ducommun, A.Veaute, d'Empare, Villegoudou), ainsi que quelques points de rive droite, ce qui n'était jamais arrivé (avenues Lucien Coudert et de Roquecourbe, quai Tourcaudière, rue des Trois-Rois, rue Malpas, quartier de Mélou). D'énormes quantités de matériaux flottants se coincent aux ponts Vieux et Neuf, qui sont aveuglés et submergés (parapets emportés). En milieu de nuit, il n'y a plus d'électricité en ville. Des maisons s'éffondrent le long de la rivière."

En 1988, l'aménagement des parkings sous les quais Tourcaudière et du Carras en modifie l'aspect. L'architecte de l'opération, Jean-Marie Pettès, en explique les principes : "Situé au cœur de la ville, l'aménagement des quais s'inscrit dans le cadre d'une opération plus vaste lancée par la ville de Castres pour la reconquête des berges de sa rivière, l’Agout. La sobriété du traitement et la mise en place de figures répétitives ont été choisies pour assumer la confrontation avec la  variété, le pittoresque et la  richesse  chromatique des
« maisons sur l’Agout ».
Pour répondre d'une part aux règles d’hydraulique qui imposaient des façades très ajourées et d'autre part à la représentation d’un socle supportant la ville, le motif de la stratification a été mis en place faisant alterner béton blanc et granit gris. Le granit, extrait du massif du Sidobre tout proche, a fait l’objet d’un travail particulier : recherche de façonnages (polissage courbe) et mise en œuvre soignée non-traditionnelle pour les agrafages."
Photo : http://www.ifarchitecture.fr/amenagement_des_quais_de_l_agout_-_castres_9-ref_36.php#

On y trouve aujourd'hui :
sous les quais : les parkings sur berges
sur les quais : un hôtel, des commerces (dont un salon de coiffure, un pressing, issu des anciens lavoirs ?!), un bistrot créé par un ancien rugbyman (Ugo Mola), ...

BONUS :
Une histoire d'échaffaud ! Terrible !
A lire ICI

LIENS :
> Deux compagnons d'infortune : http://www.regard.eu.org/Livres.4/Deux.compagnons/06.html#5
> Plan de Castres levé en 1674 par Samuel Picard : http://www.cerac-archeopole.fr/monuments/planmarture.html

BIBLIOGRAPHIE
En plus des ouvrages déjà cités :
Clerc (Stéphane) : La tour Caudière, un monument disparu du vieux Castres, Cahiers de la Société culturelle du Pays Castrais, 1987. Ouvrage épuisé auquel nous n'avons pas eu accès.
photo : http://les-rues-de-castres.blogspot.fr/